INTERVIEW : 2009-01-10 Joseph Arthur : le Québécois d'adoption (by Nicolas Houle)
(Québec) Il a grandi à Akron, en Ohio, il est établi à New York et voilà qu'il songe à s'installer au Québec. Au fil des ans, Joseph Arthur a développé une complicité exceptionnelle avec le public d'ici, se produisant sur une base régulière, en plus d'offrir des expositions. À la veille de son passage à l'Impérial, le chanteur et guitariste a donné une généreuse entrevue au Soleil, discutant de son lien avec la Belle Province, de la dure réception de Let's Just Be et du conservatisme de l'industrie musicale.
Q Vous êtes devenu un habitué du Québec. Encore cet automne, on projetait en première mondiale le documentaire You Are Free, à Montréal, tandis que votre expo Wig prenait l'affiche. Ici, c'est chez vous?
R Je ne sais pas trop. J'aime ça là-haut. Parfois je pense à m'y établir. Ça me semble un lieu à la fois jeune et créatif. En plus, c'est près de New York.
Q Avec le récent Temporary People, votre deuxième album en compagnie des Lonely Astronauts, vous avez opté pour une approche plus soignée que sur l'album précédent, Let's Just Be... Avez-vous été déçu par l'accueil tiède qu'avait reçu ce disque?
R Let's Just Be était une sorte de célébration. C'était un groupe qui se réunissait, qui explorait sur le plan créatif. Avec Temporary People, c'est une formation qui a une mission, qui s'efforce d'arriver avec quelque chose de cohérent. (...) Let's Just Be a été mal compris. Les gens y ont vu le côté superficiel et ont basé leur jugement là-dessus. Une partie du fil conducteur tenait au fait que c'était centré sur l'énergie qui se dégageait des performances et ç'a pu être perçu comme négligé ou échevelé. Je croyais que les gens seraient ouverts à quelque chose de peut-être plus frivole, farfelu, mais, curieusement, le monde de la musique est conservateur.
Q Vous écrivez et enregistrez beaucoup. Dans la dernière année, en plus de Temporary People, vous avez fait paraître quatre mini-albums. Vous préférez écrire d'un jet ou vous êtes du type à polir longtemps vos pièces?
R Il y a un peu des deux. Je suis d'abord mon instinct. J'essaie d'être très attentif à ce qui se passe autour de moi. (...) Ce qui est amusant, c'est que les gens me disent «oh, vous êtes prolifique», mais pour moi, faire de la musique est quelque chose de facile et d'amusant. Je pourrais en faire davantage, mais on vit à une époque conservatrice. Et lorsque vous transgressez les règles, la réaction des gens, à court terme, n'est pas très positive. À long terme je crois que ce l'est, mais à court terme il y a une espèce de suspicion.
Q Vous prouvez, en quelque sorte, que les auteurs-compositeurs peuvent écrire bien plus que 10 chansons aux deux ans...
R Plein de grands compositeurs ont écrit leurs plus gros succès en 15 minutes. Bien sûr, c'est une sorte de miracle d'inspiration qui n'arrive pas à tout coup, mais si les attentes du public étaient plus élevées, la production le serait aussi. Je peux commencer à travailler sur un disque aujourd'hui et il est fort possible que, si je m'y mets sérieusement, dans un mois j'aie 10 pièces de complétées. Tout ça pour dire que moi, je ne fais rien de tout ça! Je me sens accusé d'être prolifique alors que je ne suis pas très discipliné. J'adore mon métier, mais je me retrouve à deux heures l'après-midi à regarder tous les films qui me tombent sous la main... J'ai du fun!
Q Vous avez votre propre étiquette, vous écrivez textes et musique, vous avez votre site Web, en plus de peindre. Pour pouvoir faire tout ça, ça prend une équipe. Combien de personnes y a-t-il derrière Joseph Arthur?
R Ça change continuellement. Il n'y a pas un nombre précis de personnes, mais ça peut varier de 3 à 10 personnes de façon régulière. (...) En plus du reste je tenais aussi une galerie jusqu'à il y a peu. C'était fou. C'était trop. Là, je ferme ça et je me sens en vacances! Je crois que j'ai atteint les limites de ce que je pouvais faire en même temps.
Q Vous avez participé à différents projets liés à des causes humanitaires. Vous avez du pouvoir avec votre musique?
R Tout le monde en a. Cela dit, je ne me sens pas particulièrement comme un activiste. Je crois que je devrais passer davantage de temps à faire des actions humanitaires et quand les occasions se présentent, j'essaie de ne pas les laisser passer. En revanche, je ne sens pas que je dois être l'éducateur de qui que ce soit d'autre que moi.
Q Comment avez-vous réagi à la projection du documentaire You Are Free? C'est une sorte de consécration?
R C'est étrange, car, déjà, ça remonte à loin : l'enregistrement s'est fait en 2005. Je trouve bizarre de voir toutes ces séquences où j'apparais. Mais j'ai trouvé ça assez révélateur. On voit le premier concert où je peignais tout en faisant de la musique et je crois que c'est assez cool, car le film a immortalisé ça à un moment où ça m'inspirait profondément de relever ce défi.
Q Quand on vous regarde sur scène, vous semblez très concentré, voire timide... À quoi ressemble votre relation avec vos fans?
R C'est une relation étrange, mais toutes les relations sont étranges... Je me sens encouragé et j'essaie de rendre aux fans ce qu'ils m'apportent. J'en ai certainement perdu quelques-uns en cours de route, mais si vous ne vous mettez pas de gens à dos, c'est signe que vous ne faites rien. J'apprécie le soutien des fans, ça me permet de faire ce que je fais. Et au bout du compte, tout à voir avec les fans : s'ils n'étaient pas là, que feriez-vous? Moi, je ferais quand même de la musique. Vraiment. Je suis déjà passé à travers les phases d'être accepté et de ne pas l'être, d'être cool et de ne pas l'être. Et rien de tout ça ne secoue l'essence de mon travail. J'ai besoin d'être créatif pour vivre.
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