REVIEW : Our Shadows Will Remain - Magic RPM
Voir Joseph Arthur évoluer seul sur scène avec sa guitare et son sampler est un bon moyen de mesurer le talent du songwriter le plus impressionnant apparu aux États-Unis depuis dix ans. En concert, il construit ses chansons en procédant par ajouts, par touches successives, une boucle de guitare s’enroulant sur une rythmique bricolée, sa voix multipliée à l’envi. Soit un homme seul accompagné par lui-même, très entouré par ses propres ombres.
Sur disque, cette science de la production basée sur l’accumulation n’a cessé de s’affiner depuis Big City Secret en 1996 tandis que l’écriture de Joseph Arthur atteint régulièrement des sommets inédits. Chaque album s’est révélé sensiblement meilleur que le précédent, jusqu’à Redemption’s Son, disque gargantuesque et bouleversant paru en 2002. On imagine qu’il n’a pas été facile de lui donner une suite.
De fait, Our Shadows Will Remain pousse dans une nouvelle direction ses travaux sur l’architecture sonore de ses chansons. Les rythmiques sont plus simples et l’instrumentation plus ample, souvent portée par une basse grondante. L’orchestre philharmonique de Prague éclaire plusieurs morceaux, dont Even Tho où Arthur, fidèle à la technique du collage, multiplie sa propre voix en choeurs déchirants. Le refrain de Can’t Exist éclate sur un mur du son fantastique.
En constant équilibre entre calme précaire et tempêtes sourdes, Joseph Arthur livre certaines de ses plus belles chansons (Devil’s Broom, Echo Park), hantées par une voix jamais identique à elle-même, tour à tour grave, claire, aiguë, éraillée. L’album s’achève sur la sublime et menaçante Leave Us Alone, dont le titre de travail a longtemps été Ian Curtis. C’est l’une des ombres qui planent sur ce grand et bel enregistrement.
Vincent Théval
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