INTERVIEW : 2007-04-14 Joseph Arthur : pas seul en orbite (by Alain Brunet)



Visionnaire du folk-rock, Joseph Arthur a cessé de se produire en soliloque. À l'aube de sa nouvelle tournée qui s'amorce à Montréal, il nous décrit en personne sa nouvelle configuration et ses Lonely Astronauts avec qui partage l'orbite... autour de son public.


Il y a plus ou moins une décennie, Joseph Arthur était l'un des premiers auteurs-compositeurs-interprètes à faire de l'échantillonnage numérique en direct, c'est-à-dire créer son propre accompagnement sur scène. Servis en surimpression, un riff de guitare, une ligne mélodique, un autre riff et ainsi de suite finissent par créer l'effet d'un orchestre virtuel.


Dans l'univers folk-rock, Joseph Arthur était un précurseur. Dans le monde de la musique, cependant, l'artiste new-yorkais était loin d'être le premier à procéder ainsi. Le guitariste et compositeur torontois Michael Brook ou encore le tromboniste allemand Conrad Bauer le faisaient avant lui, pour n'en nommer que deux.


Quoi qu'il en soit, cette approche n'est plus celle préconisée par Joseph Arthur, qui amorce sa nouvelle tournée demain à La Tulipe. Let's Just be, son plus récent album, n'a en effet rien de soliloque. Nous parlons ici d'un disque de rock en bonne et due forme, vaguement stonien de facture et serti d'ornements insolites. Comme le précédent d'ailleurs - Nuclear Daydream.


«Mes disques, fait-il remarquer, ont toujours été plus produits que mes performances. Lorsque je partais en tournée, je réinterprétais mon matériel en solo avec mes guitares et un échantillonneur numérique - c'était à la fois créatif, pratique et économique. Lorsque j'ai fait Nuclear Daydream, j'ai alors eu envie tourner avec un vrai groupe. La chimie avec mes nouveaux musiciens m'a aussitôt semblé remarquable, c'est pourquoi j'ai ramené ce groupe en studio pour y créer Let's Just be. Inutile d'ajouter que je repars en tournée avec The Lonely Astronauts, avec qui je ne cesse de composer sur la route.»


La première rencontre (du premier type) avec ses Astronauts fut faite avec la guitariste Jennifer Turner. «Nous sommes devenus bons amis puis nous avons commencé à jouer ensemble, après quoi nous avons invité Kraig Jarret Johnson (Jayhawks) avec qui ça a autant cliqué. D'autres musiciens se sont ensuite joints à nous - Syblil Buck, Rene Lopez, Angelbert Metoyer.»

Avant d'adopter la vie de groupe, Joseph Arthur contrôlait son environnement entier, il fallait désormais faire confiance à d'autres.


«Après une décennie de tournée en solo, je connaissais parfaitement les possibilités de mon attirail. Or, j'ai dû céder une part de ce pouvoir, ce que j'ai fait naturellement, sans résister. Je cherchais un résultat différent, je l'ai eu. Dès la première répétition, je n'ai pas hésité à déposer ma guitare et juste chanter derrière ces musiciens talentueux et créatifs. L'esprit de collaboration n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis. Nous venons de faire un disque très vivant, un disque où règne la confiance mutuelle.»


Depuis l'aube de sa carrière, Joseph Arthur a le sentiment d'avoir repoussé les limites de la forme qu'il préconise.

«Au moins de mon propre point de vue, soutient-il sans prétention. Il m'a toujours semblé naturel de provoquer, de défier le statu quo. Je ne crois pas que ma musique fréquente les lieux communs. En tout cas, je ne crois pas qu'aucun de mes disques ne sonne comme ce que j'ai personnellement entendu auparavant ce qui ne signifie pas qu'on ne peut y identifier des influences ou des styles.»


Joseph Arthur est résidant de Dumbo, un voisinage branché de Brooklyn où il fréquente les galeries d'art puisqu'il est lui-même un peintre prolifique (huile, encre, acrylique, pastels), féru de De Kooning, Picasso et autres Cy Twombly. « Lorsque je fais des disques, soulève-t-il d'ailleurs, je le crée comme à la manière d'un peintre, avec la liberté que me procure ce médium.»


Visionnaire et raffiné, Joseph Arthur n'est pas issu de l'élite culturelle américaine : il est originaire d'Akron, Ohio, une ville industrielle en déclin qui fut naguère la capitale mondiale du caoutchouc!


«Lorsque j'ai grandi, le centre-ville d'Akron était déjà fantôme, l'ambiance y était très gothique. Adolescent, il m'arrivait d'y déambuler sur l'acide Bien sûr, je ne prends plus de LSD, je ne fume pas de marihuana non plus, je ne bois pas d'alcool», affirme ce trentenaire échevelé qui a le profil tout craché du drogué, qui vous cause en mâchonnant des propos structurés et pertinents.


Fait amusant, Joseph Arthur a étudié à la même école secondaire de Chrissie Hynde et Devo! Une génération plus tard, on en convient. «Lorsque tu viens du Midwest, pense-t-il, il n'y a rien d'autre à faire que de cultiver ton imagination. Dans le Midwest, tout ce que tu as, ce sont tes rêves et l'art est une bonne façon de les concrétiser. C'est pourquoi plusieurs artistes américains proviennent de ces régions étranges.»


Et que dire de son nom ou de son prénom. Puisque personne ne l'a fait en une décennie de fréquentations québécoises, on lui évoque un autre Joseph Arthur

- Oui oui, j'ai rencontré mon homonyme en Europe.

- Comment? Vous n'y êtes pas! Je parle d'un personnage tiré d'un mythique téléroman québécois, Le Temps d'une paix, dont l'action se déroulait dans le Charlevoix des années 20.

- Amazing!

On en conclura que Ticoune n'a pas été recruté par les Lonely Astronauts afin de nous y balancer des solos de chaise berçante



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